Sophie Pantel, Présidente de l’Entente Interdépartementale des Causses et Cévennes fait un point sur les actions engagées par cette institution.

Depuis 18 mois, l’Entente Interdépartementale des Causses et Cévennes qui a pour mission de gérer pour le compte de l’État, le bien inscrit au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO, est rentrée dans la mise en œuvre concrète de son plan d’actions. Ce dernier en compte 65 réparties dans les domaines de l’agriculture, du paysage, du patrimoine, de l’architecture-urbanisme, des niches économiques, du tourisme et du partage des connaissances.

Sophie Pantel, Présidente de l’Entente fait un point d’étape sur les orientations prises par la structure pour mettre en œuvre ces actions.

Sur le territoire Causses et Cévennes, l’agriculture occupe un peu plus du tiers de ce territoire. La surface agricole utile (SAU) représente 50 % de la surface totale (soit 155 000 ha), constituée de 93 % de surfaces en herbe (cultures fourragères ou surfaces toujours en herbe) dont l’immense majorité (68 %) représente les parcours avec les estives et les landes. Le reste de la SAU étant couvert de céréales, des surfaces d’arbres fruitiers concentrées dans les vallées cévenoles.

On compte 1 400 exploitations agricoles sur ce territoire. Plus des 2/3 des exploitations sont orientées sur l’élevage, surtout herbivores et plus particulièrement ovin. Entre 2000 et 2010, on note une baisse du nombre d’exploitations et une augmentation des effectifs d’animaux surtout pour les bovins et les équins ; seul l’effectif caprin diminue.

La transhumance concerne une faible portion du territoire, soit une surface de 6 000 ha, moins de 4 % de la SAU, et concentrée essentiellement sur les Hautes Cévennes (Mont Lozère et Mont Aigoual).

L’activité agropastorale est donc toujours vivante et a été revitalisée ces dernières décennies.

Le maintien des activités pastorales sur le territoire passe également par la valorisation de la production (appui aux filières) et par la promotion des circuits courts et vente à la ferme.

Mme Pantel, Quelles sont les enjeux pour le maintien de l’inscription au patrimoine mondial et de quels outils de suivi dispose-t-on ?

Les Causses et des Cévennes constituent une mosaïque de paysages d’une grande diversité mais liés par l’activité agropastorale, mélange d’élevage extensif et de cultures nécessaires à l’alimentation des troupeaux, qui les façonne depuis des millénaires.

C’est en effet l’ouverture des paysages par le pastoralisme qui est à l’origine de la valeur exceptionnelle du territoire ayant motivée son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le maintien de cette richesse passe donc par le maintien de l’activité agropastorale.

Aujourd’hui nous constatons une fermeture générale des milieux causée par une baisse des surfaces agricoles. Désertification des campagnes, intensification des pratiques, évolution des filières, arrivée du loup sont autant de facteurs à l’origine de ce changement.

Afin de suivre et évaluer l’élevage agropastorale et son influence sur les paysages nous travaillons à la mise en œuvre d’un observatoire de agropastoralisme qui au travers de données mesurables va nous permettre d’objectiver la situation actuelle et d’anticiper des tendances. C’est un outil de connaissance, d’aide à la décision et de communication.

Nous travaillons sur ce projet en collaboration avec l’ensemble des acteurs du territoire afin d’allier les objectifs de chacun et de démultiplier les forces actives. Cette année en particulier la DRAAF s’est associée au développement de l’observatoire en proposant une étude de l’impact des politiques publiques sur l’agropastoralisme des Causses et de Cévennes. Ce travail, réalisé par Grégoire Gautier, permettra de contribuer à l’élaboration d’une stratégie de développement en influant sur la prochaine PAC, une restitution est prévue à la rentrée.

Nous avons également mis en place un Observatoire Photographique du Paysage qui consiste en un ensemble de points de vue photographiques reproduits tous les trois ans, de façon à disposer d’une série temporelle de clichés que l’on pourra comparer entre eux. C’est un outil complémentaire de l’observatoire de l’agropastoralisme car les photographies permettent de révéler les perceptions sensibles du paysage et la perspective du point de vue, contrairement aux indicateurs chiffrés. Une nouvelle campagne photographique est prévue cette année.

Un schéma d’interprétation est en cours sur ce territoire, où en êtes-vous ?

La mise en œuvre d’un schéma d’interprétation est complexe car nous avons un territoire très vaste (plus de 3000 km2) et un sujet peu connu, les paysages agropastoraux. Afin de le mettre en œuvre, nous avons donc initié un programme de thèse appliquée spécifiquement sur ce thème en recrutant une personne à l’Entente dédiée à cette action. Son travail va ainsi permettre d’identifier des hauts lieux d’interprétations répartis sur le territoire, d’accompagner les collectivités porteuses de projets sur le contenu et d’innover en matière de découverte grâce aux nouvelles technologies.

Pensez-vous que le patrimoine rural qui n’a plus de fonction agropastorale peut être sauvé et si oui comment ?

Les Causses et les Cévennes sont inscrits en qualité de paysage évolutif et vivant et si aujourd’hui, les éléments du bâti nous sont parvenus c’est parce que, justement, ils ont su évoluer. C’est à nous, à faire preuve d’imagination. Bien sûr, une ancienne ferme trouvera plus facilement une nouvelle vocation mais les jasses, sont par exemple transformées en gîte d’étape, les cazelles sont valorisées par des sentiers de découverte, des terrasses remises en culture, etc …

Le plus important pour que ce patrimoine qu’on ne voit plus parfois, parce qu’il fait partie de notre quotidien, ne soit pas banalisé, délaissé voire détruit est de sensibiliser les habitants a son importance, notamment grâce à l’inscription au patrimoine mondial.

Le tourisme et la communication sont à développer sur ce territoire, comment comptezvous y arriver ?

Depuis la création de l’Entente en 2012 nous avons développé un réseau « d’Ambassadeurs du Territoire » qui en compte aujourd’hui 185. A présent, ce réseau travaille lors de journées de formation, à la mise en place d’un positionnement touristique ainsi qu’à une stratégie de communication.

Nous venons d’ailleurs de valider au conseil d’administration un « référentiel de Communication », comportant un nouveau logo pour le territoire. Il a été réalisé en interne par l’Entente Interdépartementale des Causses et Cévennes. L’objectif est de définir la stratégie marketing sur le long terme. La finalité est que l’ensemble des acteurs qui compose l’offre touristique du territoire la développe, et puissent s’approprier cette inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi que les valeurs qui vont avec. C’est important que les Ambassadeurs, les institutionnels, les associations, et les collectivités, communiquent sur et avec le « label » UNESCO.

Toujours en matière de tourisme, nous avons l’année dernière présenté 10 circuits ou itinéraires touristiques du territoire Causses et Cévennes. Maintenant, nous travaillons sur la mise en place d’itinéraires gourmands. Pour la saison estivale qui arrive, nous allons aussi développer un réseau de « Visites de Fermes » en élargissant le travail initié par l’Office de Tourisme « Des Cévennes au Mont-Lozère ». Il y a plus de 400 exploitations agricoles réparties sur le territoire inscrit qui ont été contactées.

Nous mettons en place aussi deux événementiels importants qui auront lieu à Florac à l’automne prochain. Le premier est l’accueil à Florac des huit sites UNESCO de la Région Occitanie qui vont se constituer en réseau afin de travailler ensemble sur un certain nombre de thématiques communes, comme le tourisme par exemple. Le deuxième événement, sont l’organisation des Rencontres Internationales de l’agro-sylvo-pastoralisme Méditerranéen. Celles-ci vont regrouper tous les pays du bassin méditerranéen.